Le tiers absent

9 février 2007

D’où vient le sentiment d’agression qui envahi la personne à proximité d’un inconnu, au téléphone, dans un lieu publique ? Ce n’est pas, bien entendu, le niveau sonore, probablement le même que celui de deux personnes qui parlent ensemble dans le même périmètre. La situation nous paraitrait naturelle en ce cas. C’est probablement l’absence physique de l’interlocuteur en ce lieu. Comme si tout d’un coup la règle, la convention était brisée. Dans la liste des statuts acceptables, dans un lieu publique, il y a celui de la personne seule, avec ses angoisses, ses regards fuyants ou appuyés, son désir visible de briser la solitude ou au contraire de maintenir la distance. Il a le couple ou le groupe devisant de manière plus ou moins discrète.

Je me souviens d’un soir, il y a quelques années de cela, j’étais attablé à la terrasse d’un restaurant plutôt désert. A deux tables de mois deux hommes parlaient chasse. Il m’était difficile de prétendre ne pas suivre contre mon gré leur conversation. Le niveau du dialogue montrait qu’ils se sentaient comme chez eux et qu’ils ne cherchaient pas à couvrir leur propos d’un quelconque voile de confidentialité. La personne que j’attendais appela alors pour m’expliquer son retard. Il ne fallut pas moins de 20 secondes de conversation pour que mes voisins de table me fassent avec force et conviction remarquer que mon attitude était totalement vraiment inconvenante. Sur le coup j’ai été tellement surpris de l’ampleur de leur réaction alors qu’ils ne s’étaient pas un instant souciés de mon confort lorsqu’ils parlaient entre eux que je n’ai pas su comment réagir. Sans me sentir pour autant coupable. Depuis les codes ont pris leur place qui préconisent d’éviter ce type de pratique et de situation sans que pour autant on se soit interrogé sur leur motivation.

Plus récemment, à l’école d’art de Monte Carlo, une étudiante (Leslie, je crois) faisait remarquer à Philippe Baudelot, du Monaco Dance Forum, qu’elle s’était sentie frustrée, exclue d’un spectacle dans lequel le danseur semblait attacher plus d’importance à son impact sur son double-image numérique, issu de sa performance, qu’à la qualité de sa relation au public, tiers exclus d’une relation amoureuse qui privilégie alors le reflet à la différence.

C’est peut être là la clef de la frustration. Les relations sociales, conviviales ou spectaculaires, supposent le respect d’une convention relationnelle qui s’accompagne de rôles prédéfinis, de statuts calibrés qui sont la matière d’un marché consenti ou convenu. Sur cette scène du quotidien, l’être physiquement absent fait figure de fiction et lui accorder plus d’importance qu’à ceux qui dressent le spectacle, implicite ou explicite, de leur présence corporelle, devient une insulte manifeste, ou perçue comme telle. C’est sans doute là l’effet de la complexité de l’application métaphorique des principes de la séduction à des comportements sociaux qui n’en affichent pas ouvertement la finalité.
L’être seul et silencieux, le groupe vociférant ou l’harangueur patenté, constituent un locuteur et un spectacle potentiel ou déclaré qui mérite sa chance pour un interlocuteur et un public dont chacun de nous devient un candidat obligé. On ne fuit pas le spectacle de l’autre sans avoir de comptes à rendre, même s’il est gratuit, au risque de le payer cher.
J’ai souvent dit que le dialogue était le modèle probable du dispositif symbolique interactif. Avec ses deux extrêmes : faire l’amour et faire la guerre. Mais la relation n’est pas nécessairement duelle et il conviendrait pour en exacerber les limites de jouer du tiers absent.
Sur les écrans un visage nous parle, il nous faut un peu de temps pour comprendre que c’est l’autre l’interlocuteur. Les cameras associées sont croisées et c’est à mon voisin (peut être hors de mon champ) que s’adresse la personne en face de moi. Il est possible que pour reprendre le dispositif de Close Encounters ce soit une situation de bar, ou chaque écran face nous parle à l’autre et que l’ensemble des images sur écran soit l’image d’un autre, ici présent, qui ne sait pas à qui parler ni à qui il parle.

1 Star2 Stars3 Stars4 Stars5 Stars (No Ratings Yet)
Loading ... Loading ...

Close encounters

9 février 2007

A Bar. Tables and chairs. One table. One chair. One screen. Of course, we usually go to the bar to have a friendly moment. Here, there is already somebody sitting at the table. On the screen! He or She talks… We start talking, to react, to reply. Feeling like having a date. Like the main character in Morel’s Invention, by Adolfo Byoi Casares, trying to become part of a pre-recorded scene, which he knows to be such, and that will be played and replayed for ever. After their conversation, the newly recorded people are now the new face we meet on the screen, with this very ambiguous way to talk…the one has been trying to find the words fitting a talk that no-one was supposed to listen to.

1 Star2 Stars3 Stars4 Stars5 Stars (No Ratings Yet)
Loading ... Loading ...

Le devenir organique du monde

8 février 2007

Pantin5
J’ai toujours cherché à trouver du positif dans les limites. Adolescent, la myopie m’apparaissait comme un excellent moteur de créativité. Elle est encore –plus que jamais- pour moi un handicap béni comparable en cela aux limites d’une mémoire déficiente. Bien voir le présent dans tous ses détails me semble du même ordre que conserver la mémoire intacte d’un fait passé. J’ai appris à reconstruire le souvenir comme à inventer le présent qui m’échappait optiquement. J’associais à ce processus de reconstruction la question du champ de vision, la myopie facilitant une perception syncrétique du monde et, partant, une perception plus globale des phénomènes observés. Je n’ai jamais pu vérifier cette intuition mais j’ai le sentiment de l’avoir vécue en continu. Un peu comme si la profondeur de champ optique était compensée par une largeur de vue. Comme si le manque de profondeur de champ mnémonique était compensé par la recherche de tendances identifiables qui permettraient de déduire d’une perception lacunaire l’information manquante; N’est-ce pas là l’équivalent des solutions techniques employées dans la correction d’erreurs pour les données numériques ?
Inter- et extra-polation.
Perception et mémorisation compensées par projection et prospection.

Pantin0

Dans le flou de vision, ce n’est pas une réduction d’information qui s’opère mais l’émergence d’informations de substitution, une vision palliative. Le chaotique à l’extrême. Alors que la structure cartésienne du construit semble céder sous la pressions et les tensions conjuguées de la pesanteur et de la digestion sociale, l’organique reprend le dessus. Pour la vision déficiente, isoler le détail, ce n’est pas mieux voir ce qui échappe mais, du fait de dissolution des formes qui résulte de l’agrandissement ; mieux percevoir ce que l’acuité perceptive aurait pu masquer par excès de détail. L’entropie sociale serait un retour de l’organique, de la matière organisée pour nier la règle, l’angle droit, l’homogénéité. La culture redevient vivante en laissant l’homme procéder à son propre effacement.
Le projet :
Traquer les modèles récurrents, en deçà des seuils de la perception, par delà la physique, juste après, d’un juste retour des forces comme si les limites de nos perceptions donnaient à voir le devenir des choses.
Ne prétend-on pas percevoir le lointain passé de l’univers en regardant plus loin le ciel ?

1 Star2 Stars3 Stars4 Stars5 Stars (No Ratings Yet)
Loading ... Loading ...

L’univers dans une tête d’épingle

4 février 2007

Pin Head Universe
Puisque tout est dans tout et que la réciproque reste à démontrer, qu’en ces temps de convergence les extrêmes se rejoignent ; le concept en quête de réification peut faire croire que « small is beautiful » alors faisons entrer l’univers dans une tête d’épingle.

Écrire « Googol » à l’échelle nano par réorganisation des particules. Ceci à l’intérieur d’une tête dépingle.

L’invisibilité totale du résultat relativise la prétention du verbe à écrire le monde.

1 Star2 Stars3 Stars4 Stars5 Stars (No Ratings Yet)
Loading ... Loading ...

Art Total

4 février 2007

arttotal1s.jpg

La relation de l’œuvre au cadre et de l’art à ses espaces d’accueil et de légitimation a beaucoup occupé l’artiste du XXème siècle. Dans les multiples acrobaties conceptuelles qui on conduit Klein à exposer le vide, Armand le plein, Buren à mettre en scène le musée comme contenu de l’œuvre, il reste un créneau pour les tenants de l’Art Total.

Il s’agit ici de réaliser une structure gonflable dont la géométrie reprend à l’identique le volume intérieur du lieu d’exposition. Une fois la structure gonflée, la totalité de l’espace est occupé par l’œuvre. Le public est donc soit exclu – poussant jusqu’au bout l’idée que le lieu et l’objet de l’art ne sont jamais si forts que lorsque le public les ignore – soit invité à visiter l’œuvre de l’intérieur faisant pleinement l’expérience d’une peau presque vivante.

Art Total

Un lieu d’exposition aux parois vitrées ajouterait beaucoup au projet. La relation entre structure architecturale et structure gonflée serait visible de l’extérieur.

1 Star2 Stars3 Stars4 Stars5 Stars (1 votes, average: 2, 00 out of 5)
Loading ... Loading ...

The Big Ego Crunch (BEC)

3 février 2007

Googogol2

L’entropie a été imaginée comme la tendance profonde de l’univers à retourner au chaos. Est-ce le Chaos de la Genèse ou celui d’avant le Big Bang ? Dans cette dernière hypothèse l’entropie est la manifestation de la pulsion naturelle de l’univers à redevenir matière indifférenciée, non organisée.

N’est-ce pas là, une fois encore, la projection d’un fantasme humain : comme si le monde devait revenir à l’individu qui le pense avant que celui-ci n’ait été capable de le penser.

Si Googol est le terme inventé par Milton Sirotta, le neveu du mathématicien Edward Kasner en quête d’un mot pour désigner 10100 (qui ensuite proposa ‘’Googolplex’’, 10googol), soit la valeur supposée contenir l’ensemble des particules de l’univers, alors Il faudrait que cette valeur retourne au stade antérieur à sa formulation, dans la bouche et l’esprit de l’enfant qui la pensé ; ramenant l’univers avant le Logos qui l’énonce, qui en formule la limite, et qui propose la perspective désespérante, qui révèle que s’il nous est difficile de penser l’infini, nous avons toujours un mot pour en recouvrir la virtualité. Sans même avoir une conception solipsiste de l’univers on peut imaginer qu’il a la taille et la limite que chaque individu peut penser et donc, que tout est dit.

Ceci est un projet de carrière d’artiste fondé sur la multiplication d’actions visant à ramener le monde à soi.

PS. On me souffle que c’est probablement là, la définition la plus actuelle de l’artiste…

1 Star2 Stars3 Stars4 Stars5 Stars (4 votes, average: 2, 75 out of 5)
Loading ... Loading ...

Le contour de Dieu

3 février 2007

written: 30 janvier 2007

Players : Norbert Wiener, Philippe Breton

L’objet et le comportement
L’hypothèse cybernétique repose sur l’idée que l’objet est susceptible de comportement.
Cette hypothèse est probablement acceptable à propos du vivant dont on peut supposer que la logique d’élaboration, d’évolution et de survie répond à une logique d’interrelations qui déterminent le louvoiement des itinéraires évolutionaires frayant leur chemin dans le brouillard des possibles.

C’est encore plus clair pour l’artefact, le résultat de l’action humaine, produit par celui qui se doit de trahir sa nature, tentant de reproduire sa logique de survie à l’échelle de sa création.
On peut imaginer que l’ensemble des créations humaines tende vers un niveau de complexité qui, au fur et à mesure que le nombre d’acteurs augmente, s’approche de la complexité humaine. Il se pourrait aussi que, dans cette aspiration digne d’un cauchemar d’éléate, le point culminant de cette tendance rejoigne de façon asymptotique les limites de l’humain.
Selon cette même hypothèse, L’univers, l’homme inclus, témoigne dans ses limites des limites du créateur.
Le projet:
Faire l’inventaire des limites du monde qui nous entoure et nous contient c’est définir les limites de Dieu, supposé créateur de ce monde.
Dans l’hypothèse probable de l’absence de créateur identifiable, c’est l’ensemble des limites qui constitue la définition de cette entité par défaut.
La tâche est d’envergure. Le projet est d’accumuler les indices des limites de l’action humaine sur un serveur conséquent; peut être par analyse systématique, sur la toile, d’un champ sémantique qui englobe l’ensemble des mots caractérisant l’accomplissement, la limite, la réussite, l’obstacle et de tracer la ligne qui relie dans le sens et le langage les domaines associés.
Cette ligne est probablement le seul contour possible de Dieu, défini comme il se doit, à l’image de l’Homme.

1 Star2 Stars3 Stars4 Stars5 Stars (No Ratings Yet)
Loading ... Loading ...

Choix multiples

27 janvier 2007

Feutre Transparent

L’art serait une série de choix qui conduit à un assemblage complexe de propositions et de renoncements dont l’équilibre précaire tend à délivrer les sens. Mais pourquoi faudrait-il choisir, pour faire simple, entre la transparence et l’opacité, le lourd et l’aérien, l’ombre et la visibilité, les questions et la réponse…

L’idée me venait ce matin de matériaux, candidats à l’existence, dont une personne au moins apprécierait l’usage, et qui pour cette raison méritent d’être inventés s’ils ne le sont déjà.
Cherchant un matériau insonorisant et laissant passer la lumière, et ceci avec une texture et une matérialité riches il m’apparaît qu’un feutre transparent remplirait totalement cette fonction.
Peut-on feutrer des fibres transparentes ? L’intissé crée bien un voilage à partir de fibres translucides !

Peut-on feutrer de la fibre de verre ?
Le matériau serait à la fois translucide et lumineux, transmetteur et émetteur tout en isolant du froid et du son.
Le nombre de ces matériaux émergents n’est probablement limité que par le potentiel combinatoire. Certains probablement, n’ont attendu pour accéder à l’existence, que l’on soit capable d’en énoncer la nécessité.

1 Star2 Stars3 Stars4 Stars5 Stars (No Ratings Yet)
Loading ... Loading ...

Dildomatic Opera

26 janvier 2007

Players: Dorkbot, galerie Ars Longa, David Steinberg, Joëlle Bitton, artistes
Dilodomatic Opera

Découvrant les arcanes nostalgiques du “circuit bending” il m’apparaît immédiatement qu’ici la pulsion sadique se détourne de son objet véritable. La trituration contre nature de jeux d’enfant ; la tentative de convertir sons, notes et voix en bégaiements, hurlements, éructations, et autres borborygmes électroniques me fait penser que cette acharnement compulsif ne s’adresse pas à son véritable destinataire.

J’ai eu l’occasion de dire que le référent absolu de l’interaction était le dialogue dont les formes extrêmes sont: faire l’amour et faire la guerre. Pour “interesser“ le Jeu, il faut incarner l’interaction.
L’art étant parfois une forme d’onanisme, narcissique et désespéré, je propose une performance qui place le corps au centre de la manipulation.

Sur scène, une femme, ou un homme, nu, s’efforce avec l’enthousiasme que donne le plaisir extrême teinté de désespoir, de tirer le maximum d’un godemichet modifié. De l’objet jaillissent des câbles qui suggèrent que la vibration qu’il produit est immédiatement traduite en hauteur et intensité du son qui accompagne les gestes et la progression du sujet. La voix de ce dernier, hésitant entre la cantatrice proche de l’extase et le ténor touchant au but, se mêle aux sonorités instrumentales, puissantes et déroutantes, du godemichet en action.

1 Star2 Stars3 Stars4 Stars5 Stars (No Ratings Yet)
Loading ... Loading ...

180°

26 janvier 2007

alenvers.jpg

1 Star2 Stars3 Stars4 Stars5 Stars (No Ratings Yet)
Loading ... Loading ...