Vidéo, 24h
L’image-mouvement pourrait ne laisser apercevoir ses mutations que lorsque le spectateur dilettante la quitterait des yeux.
On l’a assez répété, l’image animée doit parfois jouer de mutations rapides pour, grâce à la persistance des impressions rétiniennes, donner l’impression de continuité de mouvement dans une succession d’images fixes.
Paradoxalement, une variation très lente dans l’image, même lorsqu’elle affecte une partie importante de celle-ci, reste totalement imperceptible pour le spectateur attentif. La moitié bleue de l’image peut devenir rouge, si cette mutation dure trois minutes, il est probable qu’elle passe totalement inaperçue.
Le spectateur inattentif, lui, la voit ! Il regarde l’écran puis passe à autre chose, quand il revient, la rupture est suffisamment importante pour devenir remarquable.
La perception du mouvement résulte alors de l’inattention.
L’esthétique cinématographique marquée par les notions de séduction/fascination/récompense que l’on retrouve dans le caractère supposé déceptif de l’art contemporain, est alors contredite ici, seul l’indifférent est récompensé car il est le seul dont la perception ne sera ni anesthésiée ni abusée par la continuité. L’esprit en éveil récrée l’intermittence et la séquentialité qui fait défaut à la surenchère chronique de sollicitations informationnelles. Pour que la révélation ait lieu, le spectateur doit à son tour devenir l’intermittent du spectacle.
« Si la photographie-cinématographie s’inscrit dans le temps extensif et favorise avec le suspens, l’attente et l’attention, la vidéo-infographie en temps réel s’inscrit d’ores et déjà dans le temps intensif et favorise, avec la surprise, l’inattendu et l’inattention. » Paul Virilio, La Machine de Vision, p.151.