Élégamment traduit par l’Académie par « hameçonnage », le phishing est une pratique qui consiste à revêtir les atours d’une institution pour glaner des informations susceptibles d’enrichir illégalement celui dont le déguisement est suffisamment convainquant pour parvenir à ses fins. Qui n’a jamais reçu de message émanent d’honorables institutions telles que eBay l’enjoignant de toute urgence de communiquer numéro de carte de crédit et autres codes bancaires afin d’échapper aux poursuites judiciaires ou à un usage manifestement frauduleux de son identité dont il aura garde de se préserver en obtempérant séance tenante?
Comment détourner le procédé pour la noble cause de pratiques artistiques en mal de reconnaissance ?
Ceci entre dans la série du design de carrière d’artiste dans le droit fil de projets comme I’ve Heard of It qui fonde la notoriété d’un artiste non sur le fait qu’il ait produit quoi que ce soit mais par le fait qu’il ait su entretenir la rumeur sur sa production qui, pour suivre l’épure, devra être essentiellement et définitivement inexistante.
Je propose donc de choisir quelques supports médiatiques incontestables. Choisir les auteurs les plus pertinents sur le support. Créer nom de domaine, mailing et page web de manière à ce qu’ils semblent directement issus du média d’origine. Produire la critique qu’on aurait apprécié ou craint d’y lire. En effet, pour bien faire il faudra conserver le ton de l’auteur même si le résultat se montre foncièrement critique, condamnant radicalement le cas échéant, si cela peut sembler pertinent, la pratique de l’auteur à promouvoir. L’impact en effet est d’autant plus grand que la critique est forte, voire juste et l’on sait que l’impact du gourdin laisse des traces plus durables que celui de l’encensoir. Le phishing de notoriété, drainant un public ciblé vers son sujet pour lui extorquer ne serait-ce qu’une émotion, même négative, est à ajouter à la palette de l’artiste soucieux du devenir de ses intentions face à l’incertitude des émotions esthétiques ou sensibles que provoquerait sa seule production im-médiate.
Serait-il condamné pour avoir su produire ou anticiper les « vérités historiques » que certains ne se seraient pas privé d’énoncer s’ils s’étaient donné la peine d’en écrire les premiers mots?
Il arrive que la critique emprunte à l’artiste ses images pour y accoler des intentions louables ou coupables, mais qu’en aucun cas celui-ci ne revendiquerait. Il est temps qu’en retour l’artiste aussi puisse choisir son critique, empruntant à ce dernier ses mots pour exprimer ses propres idées.