Transport de cerveau disponible

Transposition spatiotemporelle

Player : métro, ligne 1

Je ne dois pas prendre suffisamment le métro car j’ai découvert hier, et ce n’est peut être pas une première, les stations entièrement habillées par la publicité. Une seule marque, une station.
La fenêtre de wagon se déplaçant dans l’espace comme celle de la télévision se déplace dans le temps on ne peut s’empêcher de penser à Patrick Le Lay, précisant que ce qu’il vendait à Coca Cola c’était « de la minute de cerveau humain disponible » s’exposant ainsi à devenir le directeur de chaine de télévision le plus cité dans les décennies à venir.

Un cerveau humain totalement disponible est un cerveau mort.

On se rappelle que la publicité est entrée à la télévision pour aider à en financer les programmes et réduire le coût des abonnements. Nous avons assisté à l’inversion de ce projet qui a fait progressivement du programme la bande annonce et le support de la publicité, maintenant l’attente et l’attention du spectateur, augmentant sa réceptivité. On a oublié la première partie de la sortie de Patrick Le Lay :

 » pour qu’un message publicitaire soit perçu il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages « .

La RATP a-t-elle saisi toute la portée de cette phrase? Pour que le cerveau soit disponible il ne suffit pas de le maintenir bloqué devant l’image – contraint par l’habitacle- il faut aussi qu’il y soit ouvert et détendu.
Avant le message il faut le massage.

Dans la séquence d’événements qui caractérise le parcours d’une « ligne » de métro, les plans s’enchaînent avec un long fondu au noir. La station fait événement, donc sensation, donc impression. Mais le cerveau est-il suffisamment préparé ?

Je propose de s’inspirer de la chute du film Soleil Vert (Richard Fleischer, 73) où le moment d’extase attendu par tous les humains, s’avère être une préparation en douceur à l’euthanasie nécessaire à la mise en œuvre de l’eucharistie généralisée, chacun devenant, dans une ultime transsubstantiation fonctionnelle, la nourriture de l’autre. Dans cette scène l’impétrant est baigné dans l’image et la lumière dont les propriétés lénifiantes accompagnent l’effet du poison. Une promesse paradisiaque réalisée enfin, pour solde de tout compte.

Entre deux stations, l’intermède fonctionnel de l’inter-station s’interpose entre les intermèdes fictionnels des stations. Il reste à exploiter ce moment d’absence de sollicitation externe -susceptible de ramener le passager/spectateur à l’observation de ses semblables, réalité sans show- en travaillant la lumière extérieure de façon à ce que le regard soit comme hypnotisé, mettant le cerveau dans l‘incapacité de commander au cou un quelconque mouvement d’esquive. Une ambiance d’un bleu profond animé par une pulsation lente dans lequel le regard pourrait se perdre.

Une rame : 80m de cerveau vraiment disponible.

La citation complète de le Lay  » Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective ”business”, soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit (…).
Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible (…).
Rien n’est plus difficile que d’obtenir cette disponibilité. C’est là que se trouve le changement permanent. Il faut chercher en permanence les programmes qui marchent, suivre les modes, surfer sur les tendances, dans un contexte où l’information s’accélère, se multiplie et se banalise. « 
(source : acrimed.org)

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Un commentaire sur “Transport de cerveau disponible”

  1. LeMog dit :

    Héhé… 80m de cerveau ? cruelle découverte pour moi de m’apercevoir que je n’en ai pas…

    …je n’avais pas pris le métro depuis plus de 20 ans… et pourtant, le mois dernier lors d’une visite ParisUnderground, je ne me rappelle même pas avoir vu une seule de ces affiches autrement que comme une sorte décor… dans l’édition, nous avons le « gris typographique »… dans le métro des « fresques colorées interchangeables »…

    …c’est grave docteur ?

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